Projet artistique

Oculus signifie  »œil » en latin.

Un oculus est également une ouverture de forme circulaire pratiquée dans un mur, par laquelle le regard passe pour voir ailleurs.

La Compagnie Oculus est une jeune compagnie créée en Touraine en 2013 composée de comédiens et d’artistes travaillant sur des mises en scène collectives.

Trois axes constituent la colonne vertébrale de notre travail :

– Cultiver l’imaginaire d’un public actif,

– Aller à la rencontre de ce public,

– Mettre le public au cœur du processus artistique, et pas seulement à la fin.

Cultiver l'imaginaire

Tout notre travail théâtral est centré sur l’acteur et sur l’imaginaire du public.

Lors de nos spectacles, nous souhaitons que le public travaille, différemment mais autant que les acteurs.

Sur scène c’est l’acteur qui porte la vie, qui est le vecteur de la pensée du poète et des émotions.

De plus, au théâtre comme à la lecture d’un livre, c’est la plus belle qualité humaine qui est en jeu au sein du public : l’imagination.

Ainsi tous nos choix scéniques veillent à soutenir l’imaginaire, en prenant garde à ne pas l’étouffer.

Le théâtre, c’est ce qui nous fait, à cinq ans, prendre un balai pour une épée ou un télescope ou encore un cheval. C’est un balais peut-être, mais les émotions vécues n’en sont pas moins fortes. Le théâtre existe justement parce que nous avons tous en nous cette faculté d’abstraction, d’imagination, de projection, qui fait que nous pouvons entrer en empathie avec un personnage, rire et pleurer, quand bien même nous savons que nous sommes au théâtre.

C’est magique.

À la rencontre du public

Toutes les représentations de la Compagnie Oculus sont suivies d’un temps d’échange, de questions/réponses, de discussions avec le public.

Ce temps d’échange est pour nous primordial.

La scène et le moment de la représentation sont tous deux sacrés, mais une fois la représentation terminée, nous voulons susciter le dialogue, entendre le public, après que ce dernier nous a entendus.

Nous voulons « faire descendre l’artiste de son piédestal » (le faire descendre de scène), montrer au public le théâtre comme un forum.

Trop souvent le seul retour qu’on permet au public est celui de l’applaudissement (j’ai aimé), de la plainte (je n’ai pas aimé), voire de la honte (je n’ai pas compris, c’est sûrement parce que je suis trop inculte).

Nous sommes en constante recherche de formes d’implication du public dans notre démarche artistique. Ainsi notre processus de création débute toujours par une lecture publique du spectacle. Puis le public est invité à s’exprimer lors de sortie de résidence, ou même sur nos projets d’affiche de spectacle.

Le public est au théâtre un partenaire essentiel qui ne doit pas intervenir seulement à la fin, et surtout pas sans qu’on l’entende. Prenons garde à ne pas l’oublier : sans public, pas de théâtre.

Le théâtre est vivant, et c’est le public, tout autant que les artistes, qui donne vie au spectacle.

Le public au cœur du processus artistique

Notre processus de création débute d’ordinaire par une lecture publique du spectacle à venir, où nous invitons nos futurs spectateurs à entendre le texte une première fois, sans mise en scène, presque à l’état brut.

Il s’agit pour nous de directement confronter la matière au public alors même que nous sommes fragiles et débordant de questions à résoudre. Cette nécessaire mise en danger de notre part nous fait avancer.

Parfois certaines personnes non initiées à la création d’un spectacle croient que tout est écrit et qu’il suffit aux artistes d’exécuter.

Ainsi, lors de la première lecture de Rester Sage, un monsieur m’a posé la question « Comment allez-vous faire pour monter cette scène-ci ? ». La question était pertinente et quand nous avons répondu  »Très bonne question Monsieur; nous n’en savons encore rien du tout. », il était étonné, il n’en revenait pas.

Pour la première fois, plusieurs personnes dans la salle ont pris conscience du travail de recherche dramaturgique et scénique que demande la création d’un spectacle, qu’il ne suffit pas d’exécuter, que nous n’avons pas toutes les réponses d’emblée, et surtout qu’elles sont multiples et procèdent de choix.

Que d’abord il faut construire.

Comme un artisan.

Le public prend part à la construction, en nous renvoyant l’image, le son, les émotions de ce que nous jouons.

À quel comédien n’est-il pas arrivé de découvrir le véritable sens de certaines scènes le soir de la première quand le public, ce partenaire essentiel, est enfin là ?

C’est le public qui est à la bonne distance pour dire si la planche qu’on est en train de clouer est bien horizontale ou un peu penchée. Bien sûr nous faisons en sorte que les planches soient le plus justement clouées, et bien sûr il ne s’agit surtout pas de  »vouloir plaire à tout le monde » (c’est toujours louche), car untel verra la planche horizontale quand elle sera penchée pour l’autre.

Il n’en reste pas moins que le public est détenteur d’un savoir, d’une oreille, d’un œil, que nous aurions tort d’ignorer.

En guise de conclusion... l'œil du public

Oculus finalement, c’est peut-être aussi l’œil du public, du spectateur.
L’œil de celui que Duchamp appelle « le regardeur ».

« Je crois que l’artiste qui fait [une] œuvre ne sait pas ce qu’il fait. Je veux dire par là : il sait ce qu’il fait physiquement, et même sa matière grise pense normalement, mais il n’est pas capable d’estimer le résultat esthétique. Ce résultat esthétique est un phénomène à deux pôles : le premier, c’est l’artiste qui produit, le second, c’est le spectateur. […] Et j’insiste là-dessus parce que les artistes n’aiment pas qu’on leur dise ça. L’artiste aime bien croire qu’il est complètement conscient de ce qu’il a fait, de pourquoi il le fait, de comment il le fait, et de la valeur intrinsèque de son œuvre. A ça, je ne crois pas du tout. Je crois sincèrement que le tableau est autant fait par le regardeur que par l’artiste. »

Marcel Duchamp, entretien radiophonique